Une plateforme de l’écosystème transfrontalier de cet espace a vu le jour à Yaoundé lors d’un atelier organisé du 05 au 07 septembre par l’Autorité du bassin du Niger et le ministère camerounais de l’Economie de la Planification et de l’Aménagement du territoire.
Yaoundé a abrité du 05 au 07 septembre, un atelier du Complexe binational Sena Oura/Bouba Ndjida. La poussée démographique et les changements climatiques sont entre autres facteurs de la raréfaction des ressources naturelles. Dans les zones rurales où les activités agro-pastorales sont les principales sources de revenus, des conflits naissent et s’intensifient autour des points d’eau. La situation se complique aux environs des parcs nationaux où la faune sauvage doit aussi s’abreuver et des pâturages. Le bassin du Niger, connu pour sa richesse naturelle, est aussi enclin à des défis de sécurité. « 95% de la zone couverte par le projet connaît des problèmes de sécurité », a reconnu Allomasso Tchokponhui, Coordonnateur régional du projet « Améliorer la GIRE, la Gestion et la Gouvernance basées sur la connaissance du bassin du Niger et du système aquifère d'Iullemeden-Taoudeni/Tanezrouft (BN-ITTAS) ». L’exemple du Nord du Cameroun, région totalement concernée par le BN-ITTAS, où des localités entières ont été raillées de la carte suite aux enlèvements et aux demandes de fortes rançons, a été d’ailleurs cité.
Dans un tel contexte, comment organiser une gestion durable et équitable des ressources naturelles en préservant la paix ? C’est pour trouver une réponse à cette question que l’Autorité du bassin du Niger (ABN) à penser à la création d’une plateforme regroupant tous les différents acteurs afin d’améliorer la gouvernance.
Lawan Aoudo, le maire de Tcholéré voit déjà les avantages de cette nouvelle approche. « Ici nous avons toutes les parties prenantes, que ce soit les maires que ce soit nos populations, impliquées. Avant, la gestion des ressources naturelles était une histoire de l’Etat seul, aujourd’hui, avec l’implication des populations, nous nous sentons déjà concernés, ça veut dire que nous sommes aussi consultés à la base et non seulement ça, on parle aussi au niveau de cette plateforme, du développement des activités génératrices de revenus pour nos populations. Au départ, les populations géraient anarchiquement, avec cette plateforme elles vont gérer durablement », a indiqué le maire.
BN-ITTAS compte 11 pays dont neuf membres du bassin du Niger et deux, la Mauritanie et l’Algérie, non-membres.
Interview

Moussa Koue : Il faut toujours sensibiliser
Président de la Coordination des usagers et usagères des ressources naturelles du bassin du Niger à Garoua, il pense que la plateforme va faire avancer le processus de gestion durable dans cet espace.
Quel problème cet atelier va-t-il vous aider à résoudre ?
Le complexe est à cheval entre deux pays et beaucoup de services et d’acteurs interviennent et la ressource est unique. Cet atelier va permettre que la pression qu’il y a sur cette ressource naturelle puisse être organisée. Que le prélèvement soit organisé pour que chacun comprenne son rôle dans la gestion de cette ressource afin que les conflits soient résolus de manière concertée et non de manière dispersée comme par le passé. Il s’agit d’organiser la gestion de la ressource naturelle déjà en voie de disparition ou de dégradation avancée. Notre association couvre l’est et l’ouest de la région de l’Extrême-nord, toute la région du Nord, l’ouest de l’Adamaoua, le Faro et Déo, le Mayo-Banyo, une partie de la Vina, la région du Nord-ouest et une petite partie de la région du Sud-ouest.
Quelles sont les ressources qui charrient les conflits dont vous faites allusion ?
Des conflits sur les prélèvements au niveau des réserves par exemple, la pharmacopée traditionnelle, comme les espèces sont protégées ça devient un conflit avec l’administration et même entre les acteurs eux-mêmes dont les interventions ne sont pas coordonnées. Les acteurs eux-mêmes sont une source de conflit. La plateforme qui va découler de cet atelier va aider à ce que des conflits de cette nature ne puissent plus arriver et que la ressource soit respectée de bout en bout. Les ressources sont par exemple prélevées pour le bois de chauffe. La gestion de l’eau est un problème ; il y a les agriculteurs, les éleveurs qui en ont besoin. Ce sont toutes ces interférences qui aboutissent à des conflits. La réserve d’eau est préservée par l’Etat ; il faudra que cette ressource soit préservée comme un patrimoine de l’Etat. C’est une autre difficulté.
Comment faire pour que cette ressource en eau soit équitablement gérée et dans l’harmonie ?
Nos pratiques ne sont pas toujours bonnes. On a par exemple les pêcheurs qui utilisent l’eau de manière à détruire les berges, ça provoque l’ensablement étant donné que les abords sont détruits et le support naturel, la végétation qui permet de protéger le point d’eau est détruite par des animaux qui viennent les brouter, des ménagères qui viennent s’approvisionner en bois de chauffe, il n’y a plus de barrière de protection. A cause de l’ensablement, l’eau tarit et la faune sauvage se retrouve en difficulté. Les animaux comme les bœufs peuvent chercher d’autres sources pour s’abreuver mais les animaux sauvages vont mourir de soif ou bien ils vont migrer pour d’autres sites et ça cause l’appauvrissement du parc en faune.
Comment trouvez-vous des solutions ?
Nous avons opté pour la création des organisations professionnelles et nous sensibilisons les uns et les autres sur la manière de gérer avec l’appui du Conservateur, des ministères des Forêts et de la Faune, de l’Environnement de la Protection de la nature et du Développement durable, etc. Et même des communes qui, au lieu d’aller discuter l’eau, vont faire des forages. Nous avons des maires qui font des forages alimentés au solaire. Il faut toujours sensibiliser.
Comment avez-vous gérer le problème d’eau quand on sait qu’à un moment donné de l’année, à cause de la canicule et du retour tardif des pluies dans le Septentrion, même des imans ont élevé des prières ?
Le changement climatique est un phénomène extrêmement compliqué parce que même l’être humain ne maîtrise pas. Dans un premier temps, il y a eu trêve de pluies, pendant plus de trois semaines, ce qui a provoqué beaucoup de dégâts dans les activités agro-pastorales. ; on fait des prières, et les pluies sont revenues, elles ont repris avec une frénésie incontrôlable. C’est devenu un autre problème et cela veut dire que dans tous les cas, les deux facteurs en excès constituent une difficulté. Et qu’est-ce que nous faisons, toujours la sensibilisation. Quand on parle aujourd’hui d’inondations, suite à la forte sécheresse, on croit que l’eau est partie et on se met à occuper des espaces de façon spontanée. Et lorsque les pluies reviennent, elles reprennent leur lit alors que des gens s’y étaient déjà installés, il y a des dégâts. Nous leur disons d’éviter l’occupation des zones à risque, les bas-fonds et autres. Mais comme la population est croissante, c’est parfois difficile.
Comment fonctionne votre association dans le Nord-ouest et le Sud-ouest ?
Dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, on a toutes les difficultés parce que les mouvements des acteurs ne sont pas libres. C’est tellement contrôlé qu’on ne peut pas aller n’importe où et n’importe comment, ne serait-ce que pour la sensibilisation. Pour le faire il faut être escorté ; être accompagné. En tant qu’homme de terrain, c’est très difficile de pouvoir gérer une activité associative dans ces zones. Les galeries et les champs sont devenus des cachettes. Les activités là-bas sont un peu restrictives mais on essaie en délocalisant parfois des rencontres à l’Ouest sous le contrôle de l’autorité administrative ; nous faisons parfois recours au webinaire (réunion en ligne).
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