Ingénieur forestier, consultant-point focal à la Congolaise industrielle de bois, une filiale du groupe Olam située dans le département de la Sanga, plus précisément dans la commune de Pokola, il revient par ailleurs sur les motivations de la participation de cette entreprise à la CIAR à Brazzaville où il a accordé un entretien à la rédaction de Sciences Watch Infos.
Par Adrienne Engono Moussang, de retour de Brazzaville
Quelles sont les activités de la Congolaise industrielle de bois au Congo ?
La CIB est une filiale du groupe Olam spécialisée dans l’exploitation forestière, la transformation industrielle et la commercialisation du bois. Elle gère cinq (05) concessions forestières aménagées d’une superficie totale de 2 081 419 hectares dont quatre 4 concessions pour l’exploitation du bois d’œuvre. Il s’agit principalement des unités forestières d’aménagement (UFA) de Kabo et Pokola dans le département de la Sangha, puis Mimbéli-Ibenga et Loundoungou Toukoulaka dans le département de la Likouala. Les quatre concessions sont certifiées FSC 100% (FSC signifie Forest Stewarship Council ou Conseil de bonne gestion).
Une unité forestière d’exploitation de 92530 hectares située dans la sous-préfecture de Pikounda est mise en conservation et gérée comme puits de carbone pour générer et commercialiser les crédits carbones sous la forme d’un projet REDD+ (Réduction des émissions liées à la dégradation et à la déforestation + accroissement des stocks de carbone).
Nous avons mis en place une exploitation forestière à faible impact, afin de réduire nos émissions liées à la dégradation forestière. Notre responsabilité dans le domaine de la gestion forestière consiste à une planification dans le temps et dans l’espace de toutes nos opérations de production dans la légalité et la traçabilité de nos produits.
L’exploitation forestière est souvent perçue comme un des moteurs de la déforestation. Qu’est-ce qui justifie la présence d’une société comme la vôtre à cette première Conférence sur l’afforestation et le reboisement (CIAR) organisée à Brazzaville parle président Denis Sassou Nguesso ?
L’exploitation forestière n’est pas responsable de la déforestation. Plutôt, elle contribue à la dégradation forestière. C’est pourquoi des procédures d’exploitation à faible impact sont instituées pour limiter et contrôler les prélèvements. La déforestation est l’œuvre des agriculteurs et des miniers qui déboisent la forêt.
La raison de notre participation à la CIAR depuis le 2 juillet est d'appuyer cette initiative du gouvernement de la République en qualité de sponsor.
La forêt naturelle subit une menace croissante de l'homme pour tous ses besoins : cueillette, agriculture itinérante, chasse, bois de chauffe, bois d’œuvre etc.
L’afforestation et le reboisement sont des alternatives aux besoins de l’humanité. Cette conférence internationale va impulser des initiatives au profit de la création des massifs forestiers. Si les savanes sont boisées, les zones dégradées sont reconstituées, ces nouveaux massifs créés seront des nouveaux puits de carbone et vont répondre à plusieurs fonctions selon leur orientation : production de bois d’énergie, de bois de chauffe, réduction des gaz à effet de serre. Ces massifs seront des espaces que d’autre espèces biologiques de la faune et de la flore vont coloniser pour constituer des nouveaux écosystèmes. En conséquence, nous allons augmenter notre capacité de stockage de carbone.
Avec une telle dynamique, l’homme va réduire sa pression sur la forêt naturelle pour s’orienter vers les nouveaux massifs créés où il pratiquera de l’agroforesterie, il trouvera le bois de chauffe, bois d’énergie etc.
Que faites-vous pour rendre l’exploitation forestière moins nocive ?
Il faut d’abord une connaissance du potentiel ligneux mobilisable à court et à long termes à travers l’aménagement de nos concessions. Ensuite, une planification des actions à mener dans le temps (objectif de durabilité). Et puis nous appliquons une exploitation forestière à faible impact en prenant en compte tous les aspects environnementaux et sociaux. Les routes forestières crées pour l’évacuation des bois par exemple sont refermées à la fin de l’exploitation des zones pour empêcher leur accès aux véhicules et motos à des fins de braconnage et pour permettre leur reconstitution.
Mais là c'est encore de la théorie est-ce qu'on a des chiffres de séquestration de carbone par l’afforestation ?
Selon le Ministère de l’Economie Forestière, le Congo va planter 40.000 hectares de forêt en vue de séquestrer plus dix millions de tonnes de carbone et lutter contre les changements climatiques.
Les arbres plantés permettront de capter les gaz à effet de serre dans l'atmosphère et de les stocker, constituant ainsi des puits de carbone. Au moins 5% des plantations serviront à des activités agro-forestières.
Un renforcement des capacités permettra davantage aux acteurs intéressés aux marchés carbone de pouvoir quantifier le potentiel de séquestration de carbone.
A combien estimez-vous la superficie totale déjà boisée au Congo aujourd’hui ?
La superficie totale des plantations forestières au Congo s'élève à environ 70.000 hectares et la production a environ 250.000 m3 d'eucalyptus.
Peut-on planter n’importe quelle espèce d’arbre ?
Le choix de l’espèce d’arbre à planter dépond de l’orientation à donner à la forêt créée ou à créer :
S’il s’agit d’une plantation agroforestière, les légumineuses comme les acacias sont les mieux indiquées en raison de leur pouvoir de fixation d’azote atmosphérique en symbiose avec des bactéries de leur rhizosphère qui se localisent généralement dans les nodosités situées sur leurs racines. A cet effet des cultures en couloir pourront être conseillées à la population avec une alternance des spéculations agricoles. Cette pratique supprime les jachères pratiquées dans les forêts naturelles.
Pour le cas de bois d’énergie, l’Eucalyptus à croissance rapide se prête aisément à cette option.
Le choix de l'arbre est donc déterminant ?
Oui, le choix de l'espèce est très déterminant pour susciter l’adhésion de la population rurale et pour des raisons évoquées plus haut
Et comment faites-vous pour lutter contre l’avancée du désert dans la zone sahélienne et le changement climatique ?
Question pertinente, certes le désert progresse. Mais pour stopper son avancée il est temps de mettre en place des brise-vents naturels c’est-à-dire planter des rangées d’arbres et de fixer les dunes. Cette grande muraille verte peut résoudre le problème de la progression du désert.
Voulez-vous dire par-là que la jachère est une solution de lutte contre le changement climatique ?
Non la jachère est une vielle pratique agricole comme je l’ai définie au début de votre interview. Elle ne peut pas être une solution, c’est plutôt un problème. La forêt initiale est déboisée pour des raisons agricoles. Cette action irréversible occasionne un réchauffement de l’espace et augmente l’émissions des gaz à effet de serre.
Il ne faut pas encourager la déforestation ou le déboisement dans le but de faire de la jachère une solution contre les changements climatiques. Au contraire, lorsqu’on déboise on augmente les émissions des gaz à effet de serre.
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