Le pangolin : victime du défaut de vulgarisation des textes

Cette espèce animale à la chair succulente reste une de plus chassées et demandées par les consommateurs, malgré son inscription à l’annexe A de la CITES, les trafiquants ignorent parfois tout sur sa protection.

Par la Rédaction avec WildAid

Adrienne Engono

19/02/2025

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Forêts et Faune

A Nkoldongo, dans le quatrième arrondissement de Yaoundé, vendeurs et vendeuses de viande de brousse ont développé des astuces dans leur quotidien. Dans un langage que seuls eux et leurs clients habituels peuvent décrypter, l’information sur la disponibilité des écailles ou de la viande de pangolin circulent aisément. Le 17 février dernier, un client a pu récupérer son colis d’écailles dans une vente à emporter à quelques mètres de l’espace marchand qui accueille les vendeurs de gibiers dont ce rongeur.

Les écailles de pangolin ont ajouté de la valeur au braconnage de ce rongeur dont les dépouilles sortent généralement des régions du Centre, de l’Est, du Littoral et du Sud. Pour preuve en 2016, trois tonnes d’écailles de pangolins saisies ont été brulées par les autorités en charge des Forêts et de la Faune au Cameroun. Dans le monde, l’on estime à 300.000 tonnes d’écailles exportées vers certains pays d’Asie, en provenance de l’Afrique du Pakistan, de la Chine et de l'Asie du Sud-Est principalement.

A en croire des spécialistes de la santé de nutrition, les écailles, très demandées possèderaient des vertus médicinales. Elles contiendraient la kératine qui favoriserait la circulation sanguine, réduirait les inflammations, aiderait les mères à allaiter ou encore soignerait les maladies hépatiques. Une enquête de WildAid et du groupe d’Action sur la viande de brousse en Afrique centrale (Gabac), affirme aussi que les écailles du pangolin se sont révélées pour leurs vertus thérapeutiques en Chine.

Des vertus qui n’ont pas encore reçu l’approbation des études scientifiques. Toujours est-il que : « près de 200 000 animaux sont sacrifiés. Les 8 espèces connues de pangolins vivent dans les forêts et savanes tropicales des pays d'Afrique subsaharienne, du Pakistan, de la Chine et de l'Asie du Sud-Est. Toutes sont protégées par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Mais le pangolin demeure le mammifère le plus braconné de la planète. En dix ans, plus d’un million de spécimens auraient été tués », selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).

Depuis 2017, toutes les espèces de pangolin ont rejoint la liste A de la CITES ; c’est-à-dire qu’elles sont entièrement protégées et ne doivent en aucun cas, être tuées, vendues, achetées ou mangées. Par ailleurs, en juillet 2024, le Cameroun a adopté une nouvelle loi faunique abrogeant celle de 1994, qualifiée de caduque et non adaptée au contexte. Une loi qui pose des bases de la décentralisation avec l’implication des collectivités territoriales décentralisées dans la protection de la biodiversité.

Cependant, les acteurs de la filière du braconnage du pangolin, parfois ne savent pas pourquoi il leur est interdit de chasser et de vendre certaines espèces de faune sauvage pendant que d’autres sont tuées sans inquiétude.

WildAid au four et au moulin

Après la campagne « Pas de pangolin dans mon assiette » lancée en 2024 et qui s’est étendue aux villes de Bertoua, Ebolowa et Mbalmayo, après une réponse enthousiaste des restaurateurs de Yaoundé et Douala, WildAid , une organisation non-gouvernementale (Ong) en première ligne de la lutte pour la protection des pangolins depuis près d’une décennie, vient encore de s’engager pour la sensibilisation des populations de ces mêmes localités à travers l’affichage des posters Il s’agit de vulgariser la nouvelle loi faunique. « Tuer, acheter, vendre, manger une espèce animale protégée est un crime ; la loi a changé. Désormais, vous encourez jusqu’à 20 ans de prison et jusqu’à 50 millions de francs CFA (plus de 83.000 USD) d’amende. Faisons le bon choix et respectons la loi.» entre autre message porté sur les posters, en français, en anglais.

L’ONG est à sa troisième action de communication entre 2022 et 2025. En 2022, justement, avec des artistes et des footballeurs bien connus sur la scène nationale et internationale, comme Locko, Stanley Enow, Rigobert Song, Roger Milla, et Patrick Mboma et des chefs traditionnels, WildAid a communiqué au Cameroun autour du thème : « Dites non à la viande de pangolin » pour sensibiliser le public sur les menaces qui pèsent sur cette espèce et les risques de son extinction. Les responsables de cette organisation reconnaissent que ses efforts portent de bon fruits. La campagne a touché des millions de Camerounais et a entraîné une diminution significative de la consommation de viande de pangolin dans plusieurs grandes villes du pays. Selon ses responsables, le nombre de personnes comprenant que les pangolins sont des espèces protégées a plus que doublé, tandis que plus des deux tiers des citadins soutiennent désormais l’interdiction de tuer ou de consommer ces animaux. Plus de deux cents restaurants camerounais proposant de la viande de brousse et des plats traditionnels ont rejoint cette initiative pour protéger les pangolins menacés, en s’engageant publiquement à ne plus servir de viande de pangolin. Parmi les restaurants visités, 137 servaient de la viande de pangolin. Sur ce nombre, 59 ont déjà adhéré à la campagne, soit 43 % du total. Ces 59 restaurants se sont engagés à ne plus servir de viande de pangolin.

Le monde a observé la journée du pangolin le 18 février dernier. Un moment d’interpellation pour la protection de cet animal qui joue un rôle important dans la conservation de la diversité biologique. « Les pangolins, aussi appelés fourmiliers écailleux, sont des animaux nocturnes et discrets qui se roulent en boule lorsqu’ils se sentent menacés. Ils jouent un rôle écologique crucial en consommant 20 000 fourmis ou termites par jour, soit 70 millions par an, ce qui leur vaut le surnom de « gardiens de la forêt. En creusant le sol à la recherche de fourmis, ils l’aèrent et favorisent la croissance des plantes », apprend-on des experts. : "Les pangolins se reproduisent lentement et ne peuvent avoir qu'un seul petit tous les 18 mois.
L'utilisation commerciale illégale de la viande de brousse peut rapidement réduire leur nombre et les menacer d'extinction. Les vendeurs notent que les animaux sont de plus en plus difficiles à trouver", s’inquiètent les responsables de WildAid