Le monde a observé la Journée internationale de la Contraception dans un contexte marqué par la baisse progressive de la prévalence contraceptive nationale, d’une montée inquiétante des grossesses chez les adolescentes, avec une approche communautaire en panne.
La communauté internationale a commémoré le 26 septembre la Journée mondiale de la contraception (ensemble de méthodes permettant d’éviter des grossesses et maîtriser sa fertilité, pour l’homme comme pour la femme). Le thème retenu : « Un choix pour tous-autonomie, intention, accès ». L’occasion de rappeler aux Etats l’importance de l’éducation sexuelle et complète afin que les jeunes fassent des choix éclairés pour leur santé sexuelle et leur avenir.
Malgré les engagements pris au niveau international, notamment l’adhésion à l’initiative Planification familiale à l’horizon 2030 (PF2030) le Cameroun a encore un des taux de prévalence contraceptives les plus bas. Il faut dire qu’il était question, dans le cadre de la PF2030, d’amener la prévalence contraceptive moderne de 15,4 % à 35 % et de réduire les besoins non satisfaits de 23 % à 10 %. En 2025, à cinq ans de l’échéance, et selon l’EDS 2018, dont les données restent encore valables, « près des deux tiers des femmes en âge de procréer qui souhaitant éviter une grossesse n'utilisent pas de méthode contraceptive moderne, ce qui correspond à un besoin non satisfait de 63 %. » La pauvreté, l’ignorance, les pesanteurs socio-culturelles et religieuses, et l’insécurité due aux différents conflits socio-politiques dans les régions du Nord-ouest, du Sud-ouest, de l’Est et de l’Extrême-nord freinent la distribution communautaire sur laquelle a aussi misé le pays. Cet échec de la politique de planification familiale a de nombreuses conséquences sur la population jeune, sur la lutte contre l’analphabétisme et la promotion de la santé responsable.
Le risque de déperdition scolaire est aussi grand
Soixante élèves d’un lycée situé dans une zone à forte croyance culturelle et religieuse, auraient repris le chemin des classes, pour l’année scolaire 2024-2025, avec des grossesses, certainement contractées pendant les vacances. Cette même localité avait déjà défrayé la chronique avec une fillette de 11 ans tombée enceinte. Ce n’est pas un cas isolé au Cameroun car, bien que tout ne soit pas reporté, des alertes régulièrement publiées sur les réseaux sociaux mettent en relief de nombreuses adolescentes enceintes à la rentrée des classes ou pendant l’année scolaire. Un phénomène des grossesses des jeunes élèves qui reste cauchemardesque pour plusieurs chefs d’établissement. Comme ce proviseur d’un lycée dans un arrondissement de la Vallée du Nem qui confiait à notre rédaction qu’il y a lieu de s’inquiéter à cause de l’âge des futures mamans. « Elles ont parfois 14 ans ou même moins parce qu’il y en a qui tombent enceintes dès la classe de sixième », a-t-il dit. Le risque de déperdition scolaire est aussi grand. L’enquête démographique de santé de 2018 (EDS-2018) révèle qu’environ une fille sur quatre tombe enceinte dans la tranche de 14 à 21 ans. Plus inquiétante encore, a dit le chef d’établissement, qui n’a pas accepté d’être identifié, est la rapidité avec laquelle se propage le phénomène sur le campus ; chacune voulant défier sa camarade ou sa parente, dans une zone où prouver son existence pace parfois par l’activité sexuelle. Ce qui est d’ailleurs visible dans la cour de récréation dudit lycée, où des filles enceintes et même d’autres portant leur bébé à la pause s’offraient en spectacle.
Jusqu’en 2022, des élèves enceintes étaient chassées des établissements scolaires au Cameroun. Ce qui suscitait un peu de prudence chez leurs camarades. Mais une circulaire du ministre des Enseignements secondaires (Mine sec), Pauline Nava Long, signée en 2022 les autorise désormais à rester à l’école.

Seulement, pour certains encadreurs, la circulaire de la Mine sec ne résout même pas partiellement le problème dans la mesure où, comme ce sont des adolescentes, elles ne voient pas facilement les conséquences à la longue d’une grossesse non-désirée ou précoce. Elles se seraient peut-être abstenues si elles réalisaient que tomber enceinte les renvoie au quartier. Même si la future mère n’interrompt pas l’école, elle fait face à des nouvelles responsabilités ; les parents lui tournent le dos, lui demandant de se prendre en charge. Souvent, l’auteur de la grossesse n’est autre que son camarade de classe, lui-même, démuni et encore sous la responsabilité des parents qui peinent à lui procurer le nécessaire ; quand ce n’est pas tout simplement son enseignant qui se débine de son devoir.
18 millions de grossesses non intentionnelles
En dehors des établissements scolaires catholiques où l’enseignement de l’Education à la vie et à l’amour (EVA) est effectif, cette discipline reste moins dispensée dans plusieurs établissements scolaires du Cameroun, un pays où parler de sexualité en famille est encore un tabou. Or François Waco, pour sa thèse de doctorat en Education à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand II, en 2012 a proposé : « Problématique d’une éducation à la sexualité en milieu scolaire dans les pays d’Afrique subsaharienne : l’exemple du Cameroun. » Le Camerounais, relève que les jeunes élèves sont favorables pour des cours sur l’éducation à la sexualité qu’elles trouvent importante. Mais, même là où ce cours est dispensé, il se limite aux infections sexuellement transmissibles et au VIH/Sida, remarque, dans une recherche sur l’Afrique en 2017, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, science et la culture (Unesco).
Selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNPA) les contraceptifs sauvent des vies, en particulier dans les zones de crise, où la forte limitation des soins de santé peut avoir des conséquences fatales pour les femmes vivant une grossesse ou un accouchement. La prévention des grossesses non intentionnelles produit des bénéfices en cascade pour toute la société, notamment l’élargissement de l’éducation et d’autres opportunités pour les femmes au cours de leur vie.
Pour garantir le pouvoir d’action en matière reproductive, les pays doivent assurer la disponibilité de chaînes d’approvisionnement fiables en contraceptifs, d’informations médicalement exactes et d'un large choix de produits de qualité. De plus, adopter des approches de la contraception centrées sur les femmes est essentiel pour que leurs besoins deviennent une priorité et que leurs choix soient respectés. Cette organisation onusienne indique qu’ « en 2024, les contraceptifs financés par l’UNFPA ont empêché 18 millions de grossesses non intentionnelles, 7,5 millions d’avortements non sécurisés et 39 000 décès maternels. Les financements de la santé sexuelle et reproductive sont cependant en forte baisse, ce qui menace directement les droits des femmes, l’équité avec laquelle elles sont traitées ainsi que leur pouvoir d’action. »
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